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Le
texte de notre ami Jean Paul Clavère
mis en forme par Fabienne
et lu par Michel
pour
récupérer l'original du texte (en pdf)
Chers
amis,
Je remercie très vivement les organisateurs de notre neuvième
rencontre à Ornolac,en Ariège, toujours à la recherche
de sites magnifiques.
Bienvenue aux jeunes de notre promotion 1971/1972 qui atteignent le
havre de la retraite (Jacky Ducasse, Gérard Tozeyre et Gérard
Laporte).
Je tiens à exprimer aussi toute ma gratitude à tous mes
amis pour l'aide apportée lors de mon hospitalisation à
la clinique des Cèdres.
Comment décrire mon voyage au bout de la nuit
?
Nuit de fièvre, nuit de désert et de larmes, nuit de solitude,
nuit de délire et d'errance, nuit démâtée
où mon frêle esquif file vers les lagunes noires du Styx.
Je suis au fond d'un gouffre
Où tout est triste et sombre.
Tous mes espoirs trop beaux
Sont éteints à jamais.
Mes grands rêves sont morts.
Je ne suis que mon ombre
Et je reste insensible à tout ce que j'aimais.
En proie à la mélancolie profonde, vous êtes venus
mes chers amis me consoler et m'affirmer
comme dit si joliment Paul Eluard que
:
" La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs. "
Après la nuit, il faut tenter de vivre, et revenir peu à
peu à la lumière pour marcher dans un pays de beauté
et d'émotion, il faut reprendre souffle pour respirer devant
un horizon plus ouvert et plus clair pour ne pas désespérer.
Déprime personnelle, mais le monde qui nous entoure, notre monde
d'efficacité technologique nous éloigne de plus en plus
des valeurs affectives. On oublie ce qui porte l'être humain,
ce qu'il cherche, ce qui l'épanouit, c'est une existence aimante.
xxx
Crise
financière, crise économique, crise sociale, crise morale
" Notre époque n'est pas dionysiaque,
les gens sont de plus en plus moroses comme si nos existences étaient
trop lourdes à porter " dit le philosophe
Gilles Lipovetsky dans " culture
monde ".
Au fil des siècles, l'argent qui était un moyen d'émancipation
est devenu une religion. Surtout comment la cupidité " stimulant
individuel " est-elle devenue un véritable " système
de gouvernance " et le fondement institutionnalisé d'un
enrichissement sans cause réelle et sans limite sérieuse
Quant à la dénonciation de l'argent roi, elle est légitime
à condition d'ajouter que le vrai scandale de l'argent n'est
pas son existence mais sa rareté, sa confiscation par une poignée
de privilégiés.
Retournons aux fondamentaux. Rappelons-nous la vision lumineuse de Pierre
Mendès-France sur la crise sociale :
" Miser encore et toujours sur le retour
de la croissance ne va pas seulement retarder la mutation nécessaire
à la survie de notre humanité, cela peut la rendre impossible."
Il n'y a pas de développement matériel qui ne soit, aussi
spirituel.
Quoi de plus sinistre qu'une galerie commerciale quand elle devient
le seul horizon, la seule ambiance de milliers de gens
On veut bien des avantages du marché sans ses conséquences
dommageables ; on veut bien de lui comme logique économique,
on n'en veut pas comme civilisation.
Ne pas se contenter de gérer la pénurie, mais découvrir
partout des biens non comptables qui échappent à la logique
du profit, prolonger le vieux rêve du luxe pour tous, de la beauté
offerte aux plus humbles. Le luxe , aujourd'hui, réside dans
tout ce qui se fait rare : la communion avec la nature préservée,
le silence, la méditation, la lecture, la lenteur retrouvée,
le plaisir de vivre à contretemps, l'oisiveté studieuse,
la jouissance des uvres majeures de l'esprit, autant de privilèges
qui ne s'achètent pas .
On ne sortira de la crise actuelle que par la culture qui est un anti-néant.
" Le problème de la culture
est important, dit
Malraux
; il y a le plan profond
de l'homme c'est-à-dire les instincts primordiaux ; du moment
qu'on ne met pas la religion au premier plan pour lutter contre ces
instincts, une seule lutte est possible, celle qui est fournie par les
images qui ont échappé à la mort. "
Demeure la grâce de lire Mme de la Fayette et la " Princesse
de Clèves "- sublime bijou d'élégance morale
- La Rochefoucauld, Pascal, Chamfort, Voltaire, Racine, Chateaubriand,
etc.
N'en déplaise à M. le Président de la République,
la France est toujours la Terre des Arts et des belles lettres.
En dépit de la bêtise humaine, la poésie en ce monde
" est plus dure que le métal " " plus haute que
les pyramides ". La vie a beau déployer des trésors
de terreur et de tragédie, la poésie est présente
en elle, impossible de l'en déloger.
" Le peuple a besoin de poèmes
mystérieux intimes
Qui éternellement l'éveillent
Et qui le lavent de leur souffle.
Vague de lin aux boucles châtain. "
soupire Ossip Mandelstam poète
russe mort à 47 ans dans un camp de travail.
La poésie donne à voir, à entendre, à imaginer,
à communiquer une expérience de la fugacité, de
la fragilité pour retrouver un état d'ingénuité.
Ecoutez la parole de la poétesse contemporaine
Françoise Bocquentin :
" Nous qui portons en nous le cri des pierres, le murmure de la
mer et le chant de la terre depuis qu'elle est conçue
Nous qui sommes formés des sanglots du soleil et du soupir des
galaxies
Nous qui respirons le souffle abyssal qui parcourt d'un bout à
l'autre l'univers, portant à ses rivages le parfum somptueux
de la vie
Ne serons-nous jamais capable d'être des hommes ?
Que faut-il donc vous dire- pour que debout-
Nous chantions la parole, le bonheur scintillant d'être, l'allégresse
profonde d'exister ? "
Dans sa substance la plus intime, la mélancolie est la douleur
causée par l'enfantement de l'éternel dans l'homme.
Elle est la grande tristezza
dont parle Dante, la poussée
vers l'intériorité et la profondeur. C'est peut-être
le désir de trouver sa vraie demeure, de se réfugier hors
du superficiel dans le mystère des profondeurs originelles.
xxx
A
l'occasion du Marathon des mots qui se déroule à Toulouse
du 10 au 14 juin 2009 avec la fondation d'entreprise la Poste, je vais
vous lire un extrait de " l'inconnu sur la terre " de J.M.G
Le Clézio, prix Nobel de littérature 2008.
Prose poétique magnifique en quête d'une harmonie et d'un
équilibre retrouvés avec la nature :
Je veux écrire pour la beauté
du regard, pour la pureté du langage.
Je veux écrire pour essayer de rejoindre le vieil horizon, si
net, pareil à un fil, et le ciel clair au-dessus de la mer
Je veux écrire pour être près des nuages blancs
dans le ciel sombre, près de la lumière serrée
du soleil, près des cimes des montagnes, là où
seuls vont les éperviers.
Je veux essayer d'être immédiatement là où
mon regard se termine, là où il s'agrandit et reçoit
sa joie.
Je veux écrire pour être du côté des animaux,
des enfants, du côté de ceux qui voient le monde tel qu'il
est, qui connaissent toute sa beauté.
Pour essayer de trouver une parcelle de cette vertu qui ne m'a pas été
donnée à la naissance, mais qu'un visage de femme ou d'enfant,
au hasard de la foule un jour m'a montrée, comme le reflet d'une
lueur étrangère aussi belle que le jour.
Je veux écrire pour que cette clarté dure encore quelques
instants, pour que le monde réel, vivace, reste quelques secondes
dans la musique des mots (
)
Je veux écrire pour une autre parole, qui ne maudisse pas, qui
n'exècre pas, qui ne vicie pas, qui ne propage pas de maladie.
Quand le monde, à l'aube est tendu, transparent et pur comme
une gemme, air clair, mer bleue, rochers étincelants, ciel immense,
horizon où les vagues sont visibles ; quand le monde, à
midi, est parcouru de terrible victorieuse lumière, et que les
arbres sont incendiés ;
Quand le monde est dans la nuit noire, froide et dense, et que rutilent
les milliers d'étoiles, quelques fois une seule lune
Comment alors peut-on désirer autre chose, comment peut-on dire
autre chose ?
Pourquoi l'homme a-t-il trahi le monde ? "
Très
bonne journée et que nos liens d'amitié deviennent pérennes
Les
copains ...
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Les
copains d'abord ...
(4,9Mo)
et
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